Le 24 août dernier a eu lieu au Mémorial national de la prison de Montluc, l'inauguration de la cellule « Robert Vallon »
Robert Vallon, Déporté-Résistant, était le père de notre Trésorier général national, Alain Vallon.
Intervention de M. Jean-Olivier Viout, Procureur Général honoraire de Lyon,
Président du Conseil d’Orientation du Mémorial national de la prison de Montluc.
Mesdames, Messieurs les rescapés de Montluc,
Mesdames, Messieurs,
En attribuant au parcours de Robert Vallon une cellule de ce Mémorial national, son conseil d’orientation, son directeur et l’autorité de tutelle ont voulu fait rappel à mémoire d’un résistant, dont l’action clandestine patriote a eu précisément pour cadre l’enceinte de cette prison.
Natif de Lyon, Robert Vallon a 27 ans lorsqu’en 1939, il est mobilisé au 192° Régiment d’artillerie successivement déployé dans les Ardennes, à Mézières, Rethel et Sedan, avant son repli sur Angoulême. Démobilisé en juin 1940, à la suite de l’armistice, Robert Vallon reprend à Lyon ses activités, à la tête de son entreprise de désinfection, désinsectisation et fourniture de literie.
En mai 1941, par l’intermédiaire d’un capitaine de son ancien régiment, il rejoint le service du Camouflage du Matériel (Groupe Chabert / René Bosquet), émanation de l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) et participe au stockage de matériels militaires dissimulés lors de l’armistice. Il assure, plus tard, des liaisons avec des maquis du Vercors et de Savoie, tout en poursuivant ses activités professionnelles.
En février 1944, les autorités allemandes adressent une réquisition à la préfecture du Rhône pour faire assurer la désinfection de la prison de Montluc infestée de punaises et de poux. Robert Vallon fait en sorte d’être désigné pour exécuter cette mission. Celle-ci le conduit à pénétrer régulièrement dans l’enceinte de la prison et lui permet de mettre en place des contacts entre des détenus et des mouvements de Résistance, au moyen d’un crayon et de papier à cigarette dissimulés dans un tube d’aspirine.
En effet, la désinfection de chaque cellule exige le déplacement de ses occupants. Robert Vallon profite de ces mouvements de détenus pour se délester de son tube d’aspirine qu’il récupère le lendemain avec, à l’intérieur, les messages des internés à acheminer à leurs destinataires. Afin d’organiser ce va et vient postal, Robert Vallon pense avoir acheté le silence du soldat allemand en charge de l’accompagner dans chacun de ses déplacements dans la prison, en lui fournissant régulièrement des victuailles pour améliorer son ordinaire. Mais ce silence n’est qu’un piège et n’aura qu’un temps.
Le 6 avril 1944, au moment de quitter la prison, sa besogne quotidienne accomplie, Robert Vallon constate qu’on refuse de lui ouvrir la porte. Il est aussitôt interpellé, jeté dans une cellule puis conduit, quelques jours plus tard, au siège de la Gestapo, avenue Berthelot, qui veut connaitre ses commanditaires. Il est alors soumis à de sévères interrogatoires conduits par un nommé Von Frankenstein (ongles arrachés, pieds brulés avec du papier journal, baignoire, simulacre d’exécution etc..) mais parvient à garder le silence. Le 21 avril, il comparait devant le tribunal militaire allemand qui le condamne à mort. Placé dans la cellule 109 de Montluc, il attend, jour après jour, son exécution.
Mais celle-ci n’intervient pas. Robert Vallon attribuera plus tard cet état de fait au bombardement américain du 26 mai 1944 qui atteignit le siège de la Gestapo lyonnaise entrainant son incendie et avec lui les dossiers qui s’y trouvaient.
Le 19 juin 1944, Robert Vallon est embarqué avec d’autres détenus dans un convoi ferroviaire à destination du camp de triage de Compiègne avant d’être dirigé sur le camp de Dachau, par le « Train de la mort » du 2 juillet 1944.
Sur les 100 occupants de son wagon, 24 seulement sont vivants à l’arrivée du train à Dachau, le 5 juillet, les autres ont péri durant le voyage, principalement de soif et d’étouffement.
Mais Robert Vallon ne demeure pas à Dachau. Le 25 juillet, il est affecté au terrible Kommando de Neckarelz, dans une ancienne mine de chaux transformée en usine souterraine, proche de Mannheim.
Début avril 1945, il réintègre le camp de Dachau, en raison de l’avancement des forces alliées. Le 29 avril suivant, il assiste à la libération du camp par une colonne de soldats US.
De retour à Lyon, son poids réduit à 37 kilos, il découvre son foyer détruit, sa femme l’ayant remplacé durant son absence par un officier américain, leur enfant Alain, âgé de 18 mois étant laissé à la garde de sa belle-mère.
Récupérant son fils et pourvoyant à son entretien et à son éducation avec l’aide sa mère, Robert Vallon reprend en main son entreprise. En dépit de ses charges et d’une santé précaire, Il s’investit dans des actions de soutien aux anciens déportés. De 1962 à 1997, il préside l’association des Rescapés de Montluc. En 1967, il a été le co-fondateur de la Journée départementale de la Résistance (avec Robert Namiand, résistant lyonnais interné à la prison Saint-Paul, lui aussi rescapé de la Déportation).
Officier de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, de la Croix de Guerre 39-45, de la médaille de la Résistance, de la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance, et de plusieurs autres distinctions et décorations, Robert Vallon décède le 15 avril 1997.
A l’engagement pour l’œuvre de mémoire qui a été le sien, succède aujourd’hui celui de son fils Alain, trésorier général de l’Union Nationale des Associations de déportés internés et familles de disparus, que je salue avec émotion, ainsi que les membres de sa famille.
Il était donc légitime qu’en ce lieu d’enfermement qui arrête le temps et en porte le poids, une cellule vienne rappeler le souvenir de Robert Vallon, interné de Montluc parmi tant d’autres, tous unis dans une communauté de destin enfanté par le fanatisme nazi.
Jean-Olivier Viout
Allocution de Monsieur Jean-Olivier Viout, Procureur Général honoraire de Lyon, Président du Conseil d’Orientation du Mémorial national de la prison de Montluc.
Monsieur et Madame Alain Vallon devant le portrait de Robert Vallon
Texte inscrit sous le portrait de Robert Vallon de la cellule à la prison de Montluc
Robert Vallon 1912-1997
Un résistant en action au cœur de Montluc
Affecté en 1939 au 192° Régiment d’artillerie, puis démobilisé en juin 1940, à l’issue de la Campagne de France, Robert Vallon, alors âgé de 28 ans, reprend ses activités d’entrepreneur en désinsectisation à Lyon. En 1941, par l’intermédiaire d’un capitaine de son ancien régiment, il rejoint le service du Camouflage du Matériel (Groupe Chabert/René Bousquet) émanation de l’Organisation de Résistance de l’Armée et participe au stockage de matériels militaires dissimulés lors de l’armistice. Il assure, plus tard, des liaisons avec des maquis du Vercors et de Savoie, tout en poursuivant ses activités professionnelles.
En février 1944, les autorités allemandes adressent une réquisition à la préfecture du Rhône pour faire assurer la désinfection de la prison de Montluc infestée de punaises et de poux. Robert Vallon fait en sorte d’être désigné pour exécuter cette mission. Celle-ci le conduit à l’intérieur à pénétrer régulièrement dans l’enceinte de la prison et lui permet de mettre en place des contacts entre des détenus et des mouvements de Résistance au moyen d’un crayon et de papier à cigarette dissimulés dans un tube d’aspirine.
Le 6 avril 1944, Robert Vallon dont les agissements ont été découverts, est arrêté à Montluc. Après plusieurs jours d’interrogatoires au siège de la Gestapo, au cours desquels il garde le silence. Il quitte la prison, le 19 juin, pour rejoindre le camp de Compiègne, avant d’être dirigé à Dachau, par le « Train de la Mort » du 2 juillet 1944.
Le 15 mai 1945, Robert Vallon qui a survécu à la déportation, notamment au sein du Kommando de Neckarelz, est de retour à Lyon et reprend en main son entreprise. Il s’investit dans des actions de soutien aux anciens déportés. De 1962 à 1997, il préside l’association des Rescapés de Montluc et est co-fondateur de la Journée départementale de la Résistance (avec Robert Namiand, résistant lyonnais interné à la prison Saint-Paul, lui aussi rescapé de la déportation). Il décède en 1997.
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