L'INFO n° 1 453
2 juillet 1944 - 2 juillet 2O23
IL Y A TOUT JUSTE 79 ANS !
le convoi du 2 juillet 1944, convoi qui a pris le nom de "Train de la Mort"
Transport parti le 2 juillet 1944 de Compiègne et arrivé le 5 juillet 1944 au KL Dachau
Effectif recensé : 2 162 hommes
Matricules extrêmes : 76 418 - 78 047
Situations :
Décédés durant le transport : 530 (24,5 %)
Décédés et disparus en déportation : 574 (26,6 %)
Rentrés de déportation : 947 (43,8 %)
Situations non connues : 111 (5,1 %)
Ce transport est le cinquième parti de France à prendre la direction du KL Dachau depuis le débarquement de Normandie.
C’est aussi le plus important qui ait jamais quitté Compiègne. Il est resté tristement célèbre sous le nom de « Train de la mort » en raison du nombre élevé des décès survenus durant le voyage : 530 hommes au moins, recensés par la FMD, trouvent la mort à l’intérieur des wagons pendant les 4 jours de trajet.
Le dimanche 2 juillet 1944, vers 9 heures 15, le train n° 7909 s’ébranle sous une légère bruine de la gare de Compiègne en direction de l’Allemagne. Dans chacun des 22 wagons, les nazis ont entassé une centaine d’hommes. Avant Soissons, le soleil fait son apparition et la chaleur envahit rapidement les wagons, d’autant plus que le train roule lentement et observe des arrêts fréquents. A 11 heures 05, le sabotage de la voie l’oblige à stopper au niveau de Saint-Brice, quelques kilomètres avant Reims. Les dégâts sont peu importants et le transport reprend sa route après trois heures d’arrêt sous un soleil de plomb. Il s’immobilise ensuite une première fois en gare de Reims. La chaleur, le manque d’eau et l’asphyxie sont déjà à l’origine d’une centaine de décès. Le convoi repart vers 15 heures 10, mais, après un court trajet, un nouveau sabotage est à l’origine du déraillement de la locomotive au niveau de l’aiguillage du dépôt de Bétheny. Les wagons sont ramenés par un tracteur de manoeuvre à la gare de Reims, sur une voie de garage, où ils stationnent en plein soleil en attendant le relèvement de la locomotive. Les morts se succèdent pendant ce long arrêt alors que la chaleur est devenue suffocante. Des détenus médecins appellent les services sanitaires et les nazis entrouvrent quelques portes. Dans certains wagons, les hommes, poussés par la folie, s’entretuent.
Enfin, vers 20 heures, le train reprend sa route vers l’Est et roule toute la nuit.
Le 3 juillet, en fin de matinée, le transport s’arrête à Revigny, à quelques kilomètres au nord-ouest de Bar-le-Duc. Les cadavres de la veille commencent à se décomposer et les Allemands décident d’ouvrir les portes. Ils font descendre les survivants et en désignent quelques-uns pour enlever les corps et les transporter dans des voitures libérées à cet effet. Les agonisants sont achevés sur le ballast d’une balle dans la tête. D’autres détenus sont chargés du ravitaillement en eau, alors que la pluie tombe à torrent. Ces opérations terminées, les détenus sont regroupés dans les wagons, puis le n° 7909 quitte Revigny vers 15 heures. Les scènes de violence se poursuivent et le calme ne revient qu’en soirée, alors que le convoi franchit la Moselle et s’arrête vers 21 heures 50 en gare de Novéant, devenue gare-frontière depuis l’annexion de fait de l’Alsace-Moselle. Les Allemands comptent alors 450 cadavres dont la plus grande partie a péri lors de la première journée de trajet.
Le 4 au matin, le train quitte Novéant vers 7 heures 15 en direction de Sarrebourg où il s’immobilise en fin de matinée. Les portes s’ouvrent et des infirmières de la Croix-Rouge allemande s’avancent pour distribuer de la soupe et de l’eau. Mais, vers 15 heures 15, les Allemands interrompent brutalement le ravitaillement et ordonnent le départ. Le train rejoint Strasbourg par la trouée de Saverne, puis il s’enfonce en Allemagne en passant par Karlsruhe, Pforzheim, Stuttgart, Ulm, Burgau, Augsbourg et Munich. Après un dernier arrêt dans cette ville, il arrive à Dachau-gare le mercredi 5 juillet vers 15 heures. Une heure et demie plus tard, les survivants font leur entrée au KL Dachau alors que les corps sans vie sont retirés du train puis transportés directement au crématoire sans être enregistrés.
La FMD a recensé 1632 survivants immatriculés au KL Dachau le 5 et le 6 juillet 1944.
Ce transport s’inscrit dans le contexte particulier du début de la libération du territoire français par les troupes alliées. La répression allemande s’est amplifiée depuis plusieurs mois en raison du développement de la lutte armée contre l’occupant. Le démantèlement des groupes de résistance et les rafles de représailles sont à l’origine du plus grand nombre des arrestations.
Parmi les résistants de ce transport, on peut citer Claude Lamirault et Charles Serre, qui sont faits tous les deux Compagnons de la Libération après la guerre.
Le premier est le créateur du réseau « Jade Fitzroy », le second devient chef national du mouvement « Résistance » et rédacteur en chef de la feuille clandestine du même nom, après l’arrestation en octobre 1943 de Jacques Destrée, qui l’avait désigné comme son successeur. Il participe à Paris à la création du Mouvement de Libération Nationale (MLN).
Si des hommes de ce transport ont été arrêtés dès la fin de l’année 1940, en particulier des communistes ou des droit commun, le nombre des arrestations reste assez limité jusqu’au début de l’année 1944. Elles ont lieu dans de nombreuses régions, mais plusieurs se distinguent plus particulièrement : le Bassin Parisien, la Bretagne, le Val-de-Loire, le Centre, le Sud-Ouest et le Rhône-Alpes. Poussés par le temps, les Allemands décident de vider les prisons et regroupent ces hommes au camp de Compiègne-Royallieu, où ils ne séjournent que peu de temps avant d’être acheminés vers l’Allemagne :
98 % des déportés du « Train de la mort » ont été internés à Compiègne en mai et juin 1944.
Le transport du 2 juillet à destination du KL Dachau regroupe donc une majorité de résistants et de personnes prises au cours de rafles de représailles opérées par les Allemands. Parmi ces opérations, il faut citer celles menées par la division SS Das Reich lors de sa remontée vers la Normandie, en juin 1944.
Le 8, par exemple, elle lance une attaque contre le maquis de Gabaudet (Lot).
Le 9, elle opère une rafle massive parmi la population masculine de la ville de Tulle (Corrèze) : environ 200 hommes sont arrêtés et 99 sont pendus aux réverbères et aux balcons de la ville, alors que les autres sont conduits à Compiègne puis déportés en Allemagne. Le lendemain, elle agit de même à Masléon (Haute-Vienne).
Le centre du pays n’est pas le seul théâtre de la répression allemande. En février 1944, des rafles et des attaques contre le maquis sont à l’origine d’une quinzaine d’arrestations en Haute-Savoie. On peut aussi citer les 7 membres des réseaux Arc-en-Ciel et Turma-Vengeance arrêtés par la Gestapo dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, à Villers-Cotterêts et à Largny, dans l’Aisne. Le 9 juin 1944, une vingtaine d’hommes, membres de la Résistance ou déserteurs des Chantiers de Jeunesse, sont raflés en gare de Toulouse puis transférés à la prison Saint-Michel ou à la caserne Cafarelli, avant d’être conduits à Compiègne. Le 10 et 11 juin, 10 FFI du Corps Franc Liberté sont arrêtés à La Ferté -Saint-Aubin (Loiret), puis transférés à Orléans quelques jours avant leur départ pour Compiègne. Autant d’exemples qui pourraient être multipliés pour montrer l’intensité de la répression allemande sur l’ensemble du territoire français.
Par ailleurs, un groupe de 50 prisonniers de la centrale d’Eysses fait également partie du transport du 2 juillet 1944. L’échec de la mutinerie du 19 février 1944 conduit à l’évacuation totale de ses détenus vers le camp de Compiègne alors que les meneurs sont envoyés à la prison de Blois. La quasi-totalité des hommes arrivés à Compiègne le 3 juin 1944 quittent la France dans le transport du 18 juin 1944 à destination du KL Dachau. Les 36 détenus de Blois ainsi que leurs camarades restés à l’infirmerie du camp de Compiègne sont intégrés au transport suivant, celui du 2 juillet 1944. Il s’agit souvent de militants communistes ou de patriotes arrêtés dès 1940 ou 1941.
Au moment du départ pour l’Allemagne, les anciens d’Eysses parviennent à rester groupés (environ 30 dans un wagon, 20 dans un autre). Ils organisent la répartition des vivres et de l’eau, se préoccupent de l’hygiène, grâce notamment à l’autorité des deux médecins du groupe, Paul Weil et Stéphane Fuchs. Enfin, ils réussissent à imposer la discipline entre les déportés. Seuls 4 anciens d’Eysses décèdent lors de ce tragique transport. Par ailleurs, 13 autres trouvent la mort au cours de leur déportation : 3 à Flossenbürg, 3 à Hersbruck, 2 à Dachau, 1 à Buchenwald (après la libération du camp), 1 à Ohrdruf, 1 à Vaihingen, 1 dans la baie de Lübeck-Neustadt et 1 à Sandbostel (avant le rapatriement). La solidarité entre les Eyssois a sans nul doute joué et elle explique, en partie, une relative sous-mortalité à l’intérieur de ce groupe (un tiers de décès environ contre 51 % pour l’ensemble du transport).
Peu nombreux sont les déportés arrivés au KL Dachau le 5 juillet 1944 à rester au camp central. Après une période de quarantaine, ils sont pour le plus grand nombre affectés dans des Kommandos extérieurs. 463, au moins, sont dirigés sur des Kommandos de Natzweiler (Neckarelz et Neckargerach surtout, mais aussi Leonberg et Vaihingen). Pour la majorité, le transfert s’effectue le 22 juillet 1944 et ils reçoivent à leur arrivée, le 24, des matricules dans la série des « 21000 ». Au total, 142 trouvent la mort pendant leur déportation (30,7 %).
Par ailleurs, 223, au moins, quittent Dachau le 25 août 1944 pour le Kommando d’Hersbruck dépendant du KL Flossenbürg, où ils sont immatriculés des numéros 20 375 à 21 365. C’est parmi ce groupe que l’on relève le taux de décès le plus élevé puisque 183 meurent en déportation (82 %).
Enfin, 134, au moins, gagnent le Kommando d’Allach, à quelques kilomètres au sud du camp central, dans plusieurs transports semble-t-il, à la fin du mois de juillet et au début du mois d’août 1944. Ce groupe est celui qui enregistre le moins de décès : 19 périssent durant leur déportation (14,2 %).
Au total, le taux de décès parmi les déportés immatriculés le 5 juillet 1944 au KL Dachau s’élève à 35,2 %.
Maurice Voutey et Arnaud Boulligny
Cette page est extraite du Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945
Fondation pour la mémoire de la déportation - © copyright 2004 - Editions Tirésias
Gérard BOCQUERY Secrétaire général adjoint national de l'UNADIF-FNDIR
Président départemental de l'UNADIF-FNDIR de l'Oise
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