L'INFO n° 1 454
15 juillet 1944 - 15 juillet 2O23
IL Y A TOUT JUSTE 79 ANS !
Transport parti le 15 juillet 1944 de Compiègne et arrivé le 18 juillet 1944 au KL Neuengamme
Effectif recensé : 1 202 hommes
Matricules extrêmes : 36 206 – 37 700
Situations :
Evadés durant le transport : 4 (0,3 %)
Décédés et disparus en déportation : 749 (62,3 %)
Rentrés de déportation : 352 (29,3 %)
Situations non connues : 97 (8,1 %)
Effectif recensé : 326 « personnalités-otages »
Situations :
Evadés durant le transport : 0
Décédés et disparus en déportation : 12 (3,7 %)
Rentrés de déportation : 313 (96 %)
Situations non connues : 1 (0,3 %)
Le samedi 15 juillet 1944, le troisième grand transport à destination du KL Neuengamme part de Compiègne. Ce sont plus de 1 500 hommes entassés dans des wagons à bestiaux qui arrivent à destination dans la matinée du mardi 18 juillet, après deux jours et demi de voyage.
Le train est stoppé plusieurs fois après son départ en raison des bombardements alliés et des tentatives d’évasion. 4 noms d’évadés dans le département de l’Aisne, peu après le départ, ont pu être retrouvés. Ce nombre est certainement inférieur à la réalité car des témoignages affirment que 17 personnes au moins manquent à l’arrivée au KL Neuengamme, évadées ou décédées durant le voyage.
Le train passe par Metz, Thionville, puis Trèves. Le lundi 17 juillet, dans l’après-midi, il arrive à Coblence, où les déportés sont ravitaillés en nourriture et en eau. Enfin, le mardi 18, le transport arrive en gare de Hambourg, puis à Neuengamme, où les SS organisent le débarquement des déportés.
1 525 déportés sont immatriculés le lendemain de leur arrivée.
Le débarquement a eu lieu depuis plus d’un mois déjà lorsque ce transport quitte Compiègne, mais les déportations se poursuivent, vidant progressivement ce centre majeur de détention en zone occupée.
Après ce départ, deux autres transports importants quittent le camp de Compiègne pour arriver en Allemagne. Dès lors, la composition de ce transport reflète ce contexte particulier : d’abord par le fait que les déportés ont été très majoritairement arrêtés dans les cinq mois qui précèdent le départ, c’est-à-dire au moment où la répression allemande s’amplifie face aux montées des actions armées ; et ensuite parce qu’il présente de nombreux cas d’arrestation différents, qui s’expliquent par le regroupement des détenus opéré à Compiègne, alors que les Allemands en ont encore le temps.
On retrouve donc ici, en dehors de quelques condamnés de droit commun, une majorité de résistants et de personnes arrêtées dans des rafles massives.
Beaucoup sont des membres de réseaux et de mouvements démantelés : ainsi, 10 membres des Corps-Francs Vengeance, arrêtés dans la région d’Evreux, en mai 1944 à la suite d’une dénonciation ; ou à Reims (Marne), le groupe local de Libération-Nord qui est démantelé à la suite de la distribution de journaux clandestins ; enfin, dernier exemple, le cas des prêtres et des séminaristes responsables de la diffusion des Cahiers du Témoignage chrétien qui sont arrêtés à Marseille en mars 1944. Léonel de Moustier, parlementaire qui a refusé de voter les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940, résistant au sein de l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA), est arrêté en août 1943.
Par ailleurs, dans plusieurs départements, des maquisards sont arrêtés à l’issue de combats directs avec l’armée allemande. Ainsi, des membres du maquis de Châtenois, dans les Vosges, sont arrêtés en mai. Dans le Morbihan, les Allemands font prisonniers plusieurs groupes de jeunes réfractaires au STO qui avaient constitué des groupes armés.
Mais les autorités allemandes, aidées souvent par des membres de la Milice, procèdent également à des rafles de représailles contre la population qui aide la Résistance : un groupe important d’hommes de ce transport sont ainsi raflés le 24 juin dans le bourg de Murat (Cantal). La rafle a été organisée après un accrochage avec le maquis douze jours plus tôt. Au moins 130 personnes sont ainsi arrêtées et déportées dans ce transport. Les opérations peuvent parfois être moins massives : un groupe de 9 personnes, originaires des Côtes-du-Nord, est arrêté à Mael-Carhaix, à la suite de l’attaque d’un commando allemand contre un café où de jeunes résistants-maquisards avaient l’habitude de se réunir.
Toutefois, la composition de ce transport se distingue aussi par la présence de tout un groupe de 326 personnes que l’on peut qualifier de « personnalité otages », et que les Allemands nomment Prominenten. Pour la plupart, il s’agit d’hommes politiques (dont Albert Sarraut, ancien président du Conseil, qui sera transféré dans un autre camp, plusieurs anciens ministres, sénateurs, députés), d’officiers de l’armée, de fonctionnaires de tous grades, de magistrats, d’ecclésiastiques, de médecins, d’industriels et d’autres professions très diverses. Ils ont tous été arrêtés dans les jours qui suivent le débarquement allié en Normandie, alors qu’ils étaient surveillés depuis longtemps. Les Allemands pensaient-ils se servir de ces otages comme monnaie d’échange, ou bien craignaient-ils, comme le pense le général Brunet de « trouver [en eux] de futurs cadres pour la nouvelle organisation administrative, politique ou morale d’une France progressivement libérée ». Après avoir partagé le sort commun des autres déportés pendant le transport, ils sont immatriculés dans la même série et sont isolés dans deux Blocks avec leurs vêtements et leurs objets personnels. Ils sont exemptés de travail au camp et dans les Kommandos extérieurs et peuvent se réunir librement.
Si un certain nombre de déportés restent au KL Neuengamme jusqu’à l’évacuation en avril 1945, la majorité est affectée dans des Kommandos extérieurs. Ainsi, le 1er août, plus de la moitié de l’effectif d’un convoi de 800 hommes vers celui de Bremen-Farge est constituée d’hommes arrivés le 18 juillet au camp. Ce Kommando utilise la main-d’oeuvre concentrationnaire pour la construction de la grande base sous-marine « Valentin ». Au moins 120 autres déportés sont aussi envoyés dans un Kommando de la ville de Bremen-Osterort, où l’on construit un abri-bunker pour des sous-marins.
D’autres groupes, moins nombreux, sont envoyés en plus petit nombre à Kaltenkirchen pour y effectuer des travaux de terrassement et plus tard de déneigement sur une base aérienne de la Luftwaffe, et dans les Kommandos de Hambourg pour des travaux de déblaiement, de reconstruction et de creusement de fossés antichars (plus de 70 hommes).
Les transferts vers d’autres KL sont très peu nombreux. Ils concernent pour une partie, les prêtres et séminaristes, qui, le 22 décembre 1944, rejoignent le Block des prêtres au KL Dachau, dans un transport composé de plus de 30 personnes. Ils sont immatriculés dans la série des 136 000. Quelques déportés sont aussi transférés aux KL Sachsenhausen, Flossenbürg ou Buchenwald.
Les « personnalités-otages » connaissent un parcours spécifique puisqu’ils restent au camp central de Neuengamme avant d’être évacués vers Theresienstadt le 12 avril 1945, puis vers le camp de Brezani (ou Breschan) le 30 avril. Hormis 11 décès à déplorer parmi ce groupe, ils sont tous libérés le 8 mai 1945.
Thomas Fontaine, Gérard Fournier, Guillaume Quesnée.
Cette page est extraite du Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945 - Fondation pour la Mémoire de la Déportation - © copyright 2004 - Editions Tirésias
Gérard Bocquery
Secrétaire général adjoint national de l'UNADIF-FNDIR
Président départemental de l'UNADIF-FNDIR de l'Oise [ ADIF de l'OISE ]