L'INFO n° 1 459
31 janvier 1944 - 31 janvier 2O24
IL Y A TOUT JUSTE 8O ANS !
CONVOI du 31 JANVIER 1944. COMPIEGNE – RAVENSBRÜCK
Transport parti de Compiègne le 31 janvier 1944 et arrivé au KL Ravensbrück le 3 février 1944
Effectif recensé : 959 femmes
Matricules extrêmes : 27 030 – 27 988
Situations :
Libérées par les autorités allemandes : 3 (0,3 %)
Décédées et disparues en déportation : 197 (20,6 %)
Rentrées de déportation : 711 (74,1 %)
Situations non connues : 48 (5 %)
Le transport de femmes qui quitte la gare de Compiègne le 31 janvier 1944 est le plus important au départ de France vers le KL Ravensbrück.
Il s’inscrit dans le contexte d’une déportation massive à partir de Compiègne, après les départs de trois importants transports d’hommes à destination du KL Buchenwald.
Si les 959 femmes enfermées dans des wagons à bestiaux sont toutes extraites du camp de Compiègne, elles ont été d’abord internées dans diverses prisons françaises, puis amenées en région parisienne, à Fresnes, à La Santé ou au Fort de Romainville.
Le train effectue plusieurs arrêts avant d’arriver au KL Ravensbrück, dont un à Trèves, où la Croix-Rouge allemande leur distribue de la nourriture.
Puis, il repart et arrive à destination le 3 février 1944.
Il est connu dans la mémoire des déportés comme le « convoi des 27 000 », en référence à la série matriculaire qui lui est affectée à l’arrivée au camp.
Il se distingue des autres transports de femmes par les sources existantes, puisqu’une liste venant du Revier du camp a pu être conservée.
Elle mentionne la totalité des femmes arrivées ce 3 février 1944, ce qui en fait un document exceptionnel puisque la grande majorité des archives de Ravensbrück ont disparu.
Il s’agit en fait de plusieurs listes alphabétiques accolées :
une première va du matricule 27 030 au 27 309 ;
une deuxième du numéro 27 310 au 27 570 ;
une troisième du numéro 27 571 au 27 863 ;
une quatrième du matricule 27 864 au 27 929,
et une dernière du numéro 27 930 au 27 988.
Ces différentes listes réunies amènent à penser qu’elles ont été constituées en fonction des arrivées au camp de Compiègne et qu’il s’agit donc, en fait, d’un état des partants.
Ainsi, les détenues arrivées dans ce camp un mois avant le départ pour Ravensbrück se trouvent dans la première liste, tandis que celles arrivées quelques jours avant se retrouvent dans les suivantes.
L’étude de la liste soulève quelques interrogations : à côté du matricule 27 260 est portée la mention « Ist nicht zur Einlieferung gelangt » (non parvenue à l’entrée du camp).
Il s’agit en fait d’une femme transférée du Fort de Romainville au camp de Compiègne en octobre 1943.
Ayant plusieurs fois tenté de se suicider, elle est finalement ramenée en février 1944 au Fort de Romainville, puis internée à l’Asile Sainte-Anne, d’où elle est libérée le 19 août 1944.
Le fait que son nom figure sur la liste retrouvée au Revier de Ravensbrück avec un matricule, permet de penser qu’elle a pu faire partie de ce transport avant d’être ensuite ramenée en France, comme cela se produit parfois.
Mais son témoignage n’indique pas ce trajet et il semble plus probable qu’elle n’ait pas été « rayée » de la liste de départ, et qu’à Ravensbrück on ait ignoré qu’elle ne soit pas partie.
Car, sur cette liste figurent aussi 17 mentions « Gestrichen » (rayée), concernant les femmes non-parties de Compiègne.
Le cas d’une d’entre elles, Marie-Louise Monnet, illustre cette « règle », sans doute habituelle et déjà constatée pour d’autres transports partis directement vers des KL : elle est emmenée à l’hôpital juste avant le départ, et déportée plus tard dans le transport parti le 14 juin 1944 vers Sarrebruck Neue Bremm, puis Ravensbrück.
Par ailleurs, les recherches menées ont révélé le nom d’une détenue de Compiègne, très probablement déportée dans ce transport, mais absente de la liste.
Elle entre au KL sans être, semble-t-il, immatriculée, puis elle est ramenée à Fresnes par Francfort-sur-le-Main, le 15 février 1944, pour être jugée et condamnée à mort.
Elle est finalement libérée de Fresnes le 17 août 1944.
Au total, la liste présentée ci-après comporte 958 noms avec matricules et 1 nom sans matricule, soit 959 déportées.
Ce transport est très majoritairement composé de résistantes.
Les arrestations sont surtout opérées durant l’année 1943, près de 45 % s’effectuant durant l’automne.
Seulement 5 % le sont en 1941 et 1942 : ce sont surtout des membres du Front National, arrêtés dans la région parisienne au cours des grandes vagues répressives des autorités allemandes contre les milieux communistes.
Les autres résistantes connues appartiennent à de nombreux réseaux et mouvements implantés dans toute la France à cette époque.
Dans le département de la Sarthe, 18 femmes du réseau Buckmaster sont ainsi arrêtées, entre septembre et décembre 1943, pour avoir notamment hébergé des parachutistes.
Les mêmes motifs sont invoqués, toujours pour des personnes de ce réseau, dans les départements de la Seine, de la Gironde, du Loir-et-Cher, du Maine-et-Loire et de la Haute-Garonne.
Figurent aussi en nombre important, des femmes arrêtées pour leurs activités d’agent de liaison ou de boite aux lettres au sein du Front National, des réseaux Alliance, CND-Castille, Manipule, Evasion, Gallia, Marco-Polo et Vengeance.
Des groupes sont souvent entièrement démantelés, comme celui des 9 agents du réseau Mithridate du Puy-de-Dôme, qui sont arrêtées sur dénonciation en novembre 1943 ou comme lorsque la Gestapo opère, à Paris, en juillet 1943, un vaste coup de filet au sein du mouvement Défense de la France touchant au moins 5 femmes de ce transport.
Par ailleurs, 3 étudiantes de l’Université de Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand, qui appartiennent au mouvement Combat, sont arrêtées en même temps que des camarades déportés vers le KL Buchenwald en janvier 1944.
Enfin, Renée Haultecoeur, secrétaire de Jean Cavaillès, un des fondateurs de Libération-Nord, est arrêtée le 27 août 1943 à Paris.
Lorsqu’elles arrivent au KL Ravensbrück, les déportées sont placées en quarantaine avant d’être affectées à des travaux soit à l’intérieur du camp, soit à l’extérieur.
Une partie de ce transport, 134 femmes, est envoyée en avril 1944 au Kommando d’Holleischen, dépendant du KL Flossenbürg, dans la forêt sudète.
Là, elles doivent travailler dans la poudrerie des usines Skoda, à la fabrication des munitions anti-aériennes.
Un autre transfert important, d’au moins 100 femmes, est dirigé vers le Kommando de Zwodau, dépendant aussi du KL Flossenbürg.
Par ailleurs, plus de 100 autres déportées partent pour les Kommandos de Bartensleben, de Hanovre et de Beendorf, rattachés au KL Neuengamme et une soixantaine au moins, en juillet 1944, vers les Kommandos de Leipzig et Schlieben, dépendant du KL Buchenwald.
Des femmes de ce transport sont également transférées vers les Kommandos de Rechlin et de Neubrandenburg, dépendant de Ravensbrück.
Ainsi, contrairement aux « NN » qui doivent rester au camp, ces femmes sont pleinement utilisées dans les usines allemandes d’armement.
Parmi les femmes restées au KL Ravensbrück, 23 au moins sont gazées, la plupart en mars et avril 1945.
Trois libérations par les autorités allemandes sont connues avec certitude, dont celle d’une femme renvoyée en France en avril 1944, au Fort de Romainville, où elle accouche en juillet 1944, et une autre ramenée sur intervention.
86 autres déportées sont libérées sur intervention de la Croix-Rouge, en avril 1945, avant la libération officielle du camp qui a lieu le 30.
Enfin, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, mise au Bunker du camp en octobre 1944, est libérée fin février 1945 à la frontière suisse.
Thomas Fontaine, Guillaume Quesnée
Cette page est extraite du Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945. Fondation pour la mémoire de la Déportation. Copyright 2004 - Editions Tirésias
Gérard Bocquery
Secrétaire général adjoint national de l’UNADIF-FNDIR
Président départemental de l’UNADIF-FNDIR de l’Oise
(ADIF de l’Oise)