L'INFO n° 1 100
Au lendemain de la commémoration du 70ème anniversaire de la libération des camps de la mort et de la victoire sur la barbarie nazie, nombre de citoyens quelle que soit leur opinion personnelle, nombre d’observateurs de la vie publique et des modes d’engagement d’aujourd’hui, d’associations mémorielles, s’interrogent sur la place et le rôle de la Mémoire dans l’Avenir de la Nation.
C’est pourquoi, à quelques semaines de l’élection du futur président de la République et du renouvellement de l’Assemblée nationale, les associations UNADIF et FNDIR ont interrogé, par la voie d’un questionnaire unique, les candidats à l’élection présidentielle sur le thème de la Mémoire de la Résistance et de la Déportation, et les moyens politiques, institutionnels, financiers de la rendre active, cultivée et pérenne.
Est-il concevable, soixante dix ans après la fin du second conflit mondial, que sur une résolution de l’ONU en 2014 intitulée « lutte contre la glorification du nazisme » , la France et divers pays européens aient jugé bon de s’abstenir pour préserver d’autres intérêts diplomatiques ? Est-il acceptable qu’on puisse sacrifier un vote qui réclamait l’unanimité des pays membres de l’Union Européenne ?
Plusieurs candidats ont exprimé, avec force et vigueur, leur volonté de voir rejetée toute forme de glorification du nazisme, et de tout faire pour entrainer les autres pays européens dans cette voie.
Cette prise de position volontariste n’est pas surprenante de la part d’une classe politique qui, à chaque attentat ou profanation, est unanime à condamner ces crimes et à défendre la liberté et les idéaux de notre Patrie ?
Alors formulons l’espoir que dans un proche avenir, nos futurs dirigeants traduisent dans les faits, et pas seulement au motif d’un programme électoral, la nécessité de lutter contre la glorification du nazisme, et plus largement d’encourager toutes les formes de citoyenneté en faveur d’une société de concorde et de paix.
Dans le cas contraire, ces mêmes dirigeants porteraient la lourde responsabilité de ne pas avoir soutenu la Mémoire de celles et ceux qui ont combattu pour le seul combat qui vaille, La LIBERTE !
Jean-Marie MULLER Président de l’UNADIF, Vice-président de la FNDIR
Le futur président de la République et la politique de mémoire
Alors que les derniers acteurs de la Résistance et de la Déportation disparaissent, la question de la transmission de la Mémoire se fait de plus en plus cruciale.
L’UNADIF et la FNDIR ont interrogé les candidats à la présidentielle sur leur programme mémoriel, leur avis quant au maintien d’un secrétaire d’Etat en charge de ce dossier ou le rôle de l’Education nationale dans la transmission de cette partie de l’Histoire de France.
Chaque attentat, chaque profanation inspirent des phrases solennelles à nos dirigeants qui mettent en avant la défense de la liberté et des grands idéaux de notre patrie. La référence à la Résistance et au sacrifice de celles et ceux qui y participèrent revient souvent dans les discours. Il nous est apparu utile, sinon essentiel d’interroger les candidats à l’élection présidentielle sur leur perception de la Mémoire de la Seconde Guerre mondiale et sur les moyens qu’ils entendaient mettre en oeuvre pour perpétuer le souvenir de cette période.
Sachant pertinemment que dans cette campagne des thèmes comme l’économie, la sécurité ou l’environnement étaient prioritaires, nous avons soumis sept questions à chaque candidat espérant qu’ils pourraient répondre aux attentes des survivants de la Résistance et de la Déportation ou de leurs familles.
Quelques-uns nous ont répondu. Les autres, pour des raisons que nous ignorons, n’ont pas donné suite à notre demande et ce malgré plusieurs relances.
Nous avons jugé bon de publier les réponses reçues. Elles permettent de se faire une idée de l’état d’esprit de leurs auteurs. A l’inverse nous ne nous pouvons ni ne voulons en aucun cas imaginer qu’une absence de réponse puisse passer pour du désintérêt à l’égard de nos préoccupations.
Il nous faudra donc juger sur pièce, au lendemain de l’élection présidentielle et de façon plus définitive, une fois la nouvelle vague des députés installée à l’Assemblée nationale. A ce moment-là seulement, nous pourrons connaître les choix de la majorité au pouvoir en matière de Mémoire.
Sept questions, pour une politique de mémoire, posées aux candidats à l’élection présidentielle :
1/ Quelle est votre conception de la Mémoire de la Résistance et de la Déportation durant la Seconde Guerre mondiale et comment voulez-vous la perpétuer ?
2/ Quel est le rôle de l’Etat et en particulier de l’Education nationale dans la transmission de la Mémoire de la Résistance et de la Déportation ?
3/ Maintiendrez-vous toujours un ministère en charge de la Mémoire ?
4/ Poursuivrez-vous les commémorations liées à la Seconde Guerre mondiale et en particulier la Journée Nationale du Souvenir des Victimes et Héros de la Déportation (dernier dimanche d’avril), le 8 mai et le 18 juin ?
5/ Quelles seront les modalités contractuelles de partenariat avec les associations patriotiques reconnues d’utilité publique pour assurer la pérennité du Devoir de Mémoire ?
6/ Quelle est votre politique patrimoniale des Lieux symboliques de Mémoire de la Seconde Guerre mondiale ?
7/ Le Conseil de l’ONU a proposé, en novembre 2014, une résolution intitulée « lutte contre la glorification du nazisme ». La France a cru bon de s’abstenir ainsi que d’autres pays européens. Quelle est votre position à l’égard de cette abstention de la France dont on aurait pu attendre une décision plus tranchée à l’encontre de toute forme de glorification du nazisme ? Quels seraient vos moyens d’action ?
« Renforcer l’unité de la nation »
Il est évident que l’Etat a un rôle essentiel à jouer dans la défense de la Mémoire, principalement à travers l’Education nationale.
Ainsi, Marine Le Pen se propose de « renforcer l’unité de la nation par la promotion du roman nationale ». Aux yeux de la présidente du FN, « la Résistance appartient pleinement à ce roman national qui doit être enseigné aux futurs citoyens ».
François Fillon, qui défend « une histoire aux racines millénaires » affiche son « plus grand respect pour les combattants de l’ombre et pour tous ceux qui ont souffert dans leur chair afin de redonner vie à notre liberté collective ». A leur égard, le candidat exige « respect et gratitude ».
Emmanuel Macron souligne que « la Résistance et la Déportation résistante sont l’une des pages les plus lumineuses et importantes de l’histoire contemporaine de notre pays et qu’il est essentiel de sauvegarder et transmettre cette histoire ».
Pour Benoît Hamon, « ce travail de mémoire de la Résistance et de la Déportation est d’autant plus crucial, qu’aujourd’hui ne cesse de se développer le négationnisme, notamment par le biais d’internet ». Le candidat du Parti socialiste met en avant un « engagement collectif » pour perpétuer l’esprit de résistance, notamment par « l’enseignement de l’histoire ». L’ancien ministre veut également encourager la recherche et réaliser « des projets pédagogiques, notamment ceux qui conduisent nos jeunes à se rendre sur les lieux de mémoire ». Pour Benoît Hamon, « l’Etat a un rôle majeur dans la transmission de la mémoire, en premier lieu, l’Education nationale ». C’est à ses yeux « l’une des clés pour bâtir une République bienveillante et humaine ».
Le candidat de l’Union populaire républicaine, François Asselineau, s’il constate que « la perception de la Seconde Guerre mondiale tend à se déformer au sein de l’Education nationale », estime qu’il « faut rappeler aux écoliers le rôle joué par la Résistance française dans la libération de la France ». Dès lors, « le rôle de l’Etat est d’une importance capitale » car « il faut rappeler que la barbarie ne peut plus exister ».
Nicolas Dupont-Aignan juge que « la perpétuation de la mémoire des héros et victimes de la Seconde Guerre mondiale » est « d’autant plus primordiale que les sociétés occidentales et a fortiori leur jeunesse… sont en perte de repères ». Selon le leader de « Debout le France », « il est plus que jamais nécessaire de rappeler à notre jeunesse ce que signifient les notions de sacrifice pour des causes justes qui nous transcendent », comme « l’indépendance de la nation et la dignité humaine ». Ce candidat fait référence au Concours national de la Résistance et de la Déportation qu’il se propose de renforcer afin de lutter contre sa « perte de vitesse ». Dans ce contexte, ajoute-t-il, « l’Education nationale a un rôle fondamental à jouer, notamment grâce à de « nouveaux outils pour faciliter la recherche et l’accès aux documents historiques ». Nicolas Dupont-Aignant propose donc de créer « une plateforme publique unique de diffusion des contenus culturels, regroupant l’audiovisuel public, la BnF, les grands musées etc. »
Pour François Fillon, « le rôle de l’Etat et en particulier de l’Education nationale est primordial ». Le candidat des Républicains propose que « l’enseignement de l’Histoire à l’école élémentaire se concentre sur les grandes dates et les grands personnages », alors que les programmes d’Histoire du collège « seront retravaillés sous l’autorité de membres de l’Académie française ». Pour l’ancien Premier ministre, « particulièrement attaché au Concours national de la Résistance et de la Déportation », il s’agit d’un exemple à valoriser… « Ainsi la douloureuse, mais néanmoins glorieuse expérience de leurs aînés saura inspirer les paroles et les actes des jeunes Français ».
De son côté, Emmanuel Macron estime que la transmission de l’histoire de cette période « nécessite deux types d’acteurs : les enseignants qui doivent impérativement placer au centre de leur enseignement la Résistance et la Déportation et les acteurs associatifs qui doivent épauler les enseignants pour le versant mémoriel, CNRD, voyages scolaires etc… » Le candidat ajoute que « le ministère de l’Education doit jouer un rôle central dans la coordination de ces acteurs »
La Mémoire et la politique de l’Etat
Une majorité de candidats qui ont répondu à notre questionnaire se prononce clairement en faveur d’un ministre ou secrétaire d’Etat à la Mémoire.
Le candidat socialiste Benoît Hamon pense qu’il est « important qu’un ministère ou un secrétariat d’Etat soit clairement identifié » dans ce travail de « perpétuation de la Mémoire ».
Marine Le Pen le rejoint, précisant que « l’existence d’un secrétariat d’Etat dédié à cette mission sera la traduction concrète » de ses engagements en matière de défense de l’Histoire de France.
François Asselineau s’engage à maintenir un secrétariat d’Etat en charge des Anciens combattants et de la Mémoire, tout comme Nicolas Dupont-Aignan.
François Fillon, qui évoque son idée de « gouvernement resserré » avance que « la Mémoire, l’Histoire de France, ne sont pas essence des notions qui concernent plusieurs départements ministériels » dont la Défense et l’Education nationale.
Selon Emmanuel Macron, « le secrétariat d’Etat aux Anciens combattants a été novateur dans le domaine de la politique de mémoire à partir des années 1981… Il est très important que les anciens combattants puissent avoir un interlocuteur spécifique dans l’appareil d’Etat ».
La célébration des grands évènements
Les commémorations des grandes dates de la Seconde Guerre mondiale provoquent le même intérêt chez ceux qui nous ont répondu.
Pour Benoît Hamon, ce sont « des temps forts qui peuvent contribuer à la sensibilisation à des thématiques citoyennes » et « elles doivent bien évidemment être poursuivies, en particulier celles du 8 mai et du 18 juin ».
Emmanuel Macron s’engage à être « très vigilant afin que les journées commémoratives les plus enracinées et les plus importantes soient préservées, en particulier celles de la Journée Nationale du Souvenir et le 8 mai ».
Marine Le Pen partage cet avis. Elle y ajoute le « dernier dimanche d’avril, parce que nous ne devons jamais oublier les souffrances endurées par ceux qui ont relevé le Flambeau ».
François Fillon s’engage « à maintenir toutes les cérémonies commémoratives officielles » et à favoriser au niveau départemental « toutes les initiatives de nos valeureux anciens et de tous ceux qui perpétuent leur mémoire ».
François Asselineau, candidat de l’Union populaire républicaine, défend le maintien de ces dates notamment la journée de la Déportation et le 18 juin, précisant que « supprimer le 8 mai serait une offense aux centaines de milliers de morts tombés contre le nazisme ».
Le leader de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan est d’accord avec ses concurrents, ajoutant que « le rapprochement franco-allemand et la construction européenne ne doivent pas se faire au prix de l’oubli de notre Histoire nationale… »
« Réanimer le Haut Conseil de la mémoire combattante »
Nous avons également demandé aux candidats de s’exprimer sur le rôle des associations porteuses de cette Mémoire et de préciser quelles pourraient être leurs relations avec le futur président et le gouvernement.
Emmanuel Macron assure qu’il « sera à l’écoute de ce monde associatif qui est l’acteur majeur des politiques mémorielles ». Le candidat s’engage à « examiner avec attention les modalités de partenariat » entre l’Etat et les différents types d’associations qui transmettent la Mémoire.
A ce propos François Fillon veut prendre exemple sur « nos voisins belges, britanniques ou allemands » qui ont mis en place des « communions inter-générations ». Il se propose également de nous « associer plus étroitement encore à toutes les formes de mémoire susceptibles de toucher plus largement la jeunesse de France ».
La candidate du Front national, se propose de « réanimer le Haut Conseil de la Mémoire combattante, créé par Jacques Chirac ». Marine Le Pen veut que « toutes les associations qui ont pour objet de mieux faire connaître l’Histoire de notre pays et l’abnégation de ceux qui l’ont servi, souvent jusqu’au sacrifice suprême, doivent pouvoir travailler avec le secrétariat d’Etat à la Mémoire nationale ».
Benoît Hamon « souhaite poursuivre le partenariat engagé ces dernières années » entre l’Etat et les associations.
Nicolas Dupont-Aignan voudrait « accroître le rôle de ces associations » et se déclare en faveur « d’une veille d’authenticité ou de véracité historique en étroite collaboration avec le Conseil supérieur de l’Education nationale et les corps d’inspection générale dans l’élaboration des programmes scolaires ». En outre, ce candidat voudrait assurer le suivi de cette politique par « une commission de contrôle des manuels scolaires auprès des éditeurs, où siègeraient professeurs et associations reconnues d’utilité publique ».
L’avenir des lieux de Mémoire
Les sites liés à la Résistance ou à la Déportation, comme d’autres lieux de la Seconde Guerre mondiale, revêtent une importance particulière aux yeux des Français. Les candidats à la présidence de la République nous ont fait part de leur intérêt à leur sujet.
Benoît Hamon estime que « les lieux de mémoire sont indispensables au combat contre la haine ». Le candidat socialiste se déclare « attaché à ce que ces lieux soient nous seulement préservés, mais qu’ils permettent d’appuyer l’enseignement, l’éducation en encourageant par exemple les déplacements pédagogiques ».
François Fillon estime que « l’entretien de ces lieux de mémoire est une obligation morale pour la France (et) qu’il va de soi qu’une politique patrimoniale digne de notre pays doit être mise en place ». Le candidat souhaite développer le partenariat Etat-collectivités territoriales pour entretenir ces sites. Selon lui, « les associations sont d’une grande aide dans l’ancrage de la Mémoire dans nos territoires ».
Pour Nicolas Dupont-Aignan, « ces lieux symboliques de Mémoire pourront se voir attribuer un statut juridique propre » qui serait fixé aux sites qui ne sont pas classés « monuments historiques ».
Marine Le Pen, estime qu’il serait du ressort du Haut Conseil de la Mémoire Combattante d’assurer une politique de « la promotion de notre patrimoine historique qui sera inscrite dans la constitution ».
De manière moins précise, François Asselineau annonce des mesures « de classement aux monuments historiques ».
Emmanuel Macron reconnaît que les lieux symboliques de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale « connaissent pour un grand nombre d’entre eux, des problèmes de devenir ». Il s’engage à les recenser et à mener une étude exhaustive, en promettant qu’aucun « lieu mémoriel de la Résistance et de la Déportation ne doit disparaître ou être laissé à l’abandon ».
La condamnation du nazisme à l’ONU
Notre dernière question portait sur l’abstention de la France lors du vote d’une motion de l’ONU appelant à lutter contre « la glorification du nazisme ».
Nicolas Dupont-Aignan, s’il est élu, s’engage à ce que la France vote en faveur de ce texte et entraîne d’autres pays dans son sillage.
Benoît Hamon, tout en rappelant les ambiguïtés de ce texte, réitère l’engagement de notre pays dans le combat « contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie ou encore le néonazisme ».
François Asselineau entend bien faire ratifier cette résolution et ne « pas tolérer la moindre complaisance qui pourrait interférer au devoir de mémoire ». Le candidat de « En marche » assure qu’il fera le nécessaire « afin de coordonner les positions de notre pays dans les différents organismes » internationaux, car « la France doit être à la pointe de la transmission des valeurs de la résistance et de la lutte contre le révisionnisme et la diffusion des idéologies nazies ».
Marine Le Pen est formelle : « Nous devons avoir à l’égard du nazisme une attitude ferme de condamnation sans tergiversation pour quelle que raison que ce soit ».
François Fillon « condamne sans la moindre réserve la glorification du nazisme, du néonazisme et toutes les autres formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance ». A propos du vote onusien, il affirme que s’il est élu, « la France retrouvera son rang et sa voix à l’ONU et dans toutes les instances internationales et européennes afin que la glorification du nazisme et de toute forme d’extrémisme et de totalitarisme soit rejetée sans ambiguïté ». Le candidat compte également faire adhérer nos partenaires européens à cette démarche.
Raymond COURAUD
L'UNADIF et la FNDIR ont interrogé les candidats à la présidentielle