Le 21 avril 1945, le Nœuxois Marcel Houdart était évacué du camp de Sachsenhausen
Le 22 avril 1945, le camp d’internement de Sachsenhausen, en Allemagne, est libéré par les Russes. Alors qu’on commémore le soixante-dixième anniversaire de cette sinistre période, l’ancien résistant Marcel Houdart n’a rien oublié de ses souffrances. À 91 ans, sa voix est toujours aussi posée, ses propos toujours aussi cohérents.
Le 21 avril 1945, il pleut et il fait frisquet. Après les Polonais et les Tchèques, ce sont les Français qui sont évacués du camp de Sachsenhausen, situé à une trentaine de kilomètres de Berlin. On leur donne un pain et une boîte de pâté pour cinq, ils ne savent pas encore que c’est pour plusieurs jours.
Himmler a donné comme instruction : « Pas un détenu ne doit tomber vivant entre les mains de l’ennemi. » Les colonnes de prisonniers se succèdent sur les routes. Quiconque s’arrête est abattu. Notre Nœuxois est chargé de tirer la charrette de munitions. « Il fallait veiller à ne pas être dans les derniers rangs. C’était capital ! De temps en temps les S.S. disaient à ceux qui étaient en queue de se reposer. Quand les autres étaient éloignés, on entendait les rafales de mitraillettes », se souvient encore Marcel.
Patates dérobées
Des trognons de choux ou de rutabagas dédaignés par les moutons, des écorces d’arbres, des orties sont les seules nourritures à se mettre sous la dent. Dans son livre « Ceux du train de Loos », Marcel Houdart raconte l’anecdote terrifiante de ces patates dérobées par son frère Jean au risque de sa vie et qui seront rackettées quelques jours plus tard par une bande de Russes affamés. Grâce à la Croix-Rouge, il reçoit un repas copieux : un pruneau et une cuillère de lait.
Encore huit jours supplémentaires sans nourriture, des scènes de cannibalisme sont constatées. Marcel n’a plus de trous à sa ceinture. Il est atteint d’une pleurésie, d’une double hernie et de la dysenterie.
Enfin libre, mais pas sauvé pour autant
Tout à coup, des coups de feu. Les soldats nazis ont déserté. Marcel est laissé pour mort dans un fossé. Dévoré par la vermine et dégageant une odeur répugnante, il est transporté le 3 mai dans le camp de Schwerin. Emmené clandestinement à l’hôpital de Saxenberg, il est atteint du typhus et pèse alors 35 kilos. Opéré sans anesthésie, il est convoyé pendant 100 km sur une route chaotique pour embarquer dans un avion de la RAF le 28 mai à Lunebourg. Encore un trajet en train et c’est le retour à la gare de Nœux. Il apprend le décès de son père, mais il retrouvera le 10 juin, son frère Jean, déporté comme lui.
Pendant son internement, il s’est promis d’aller à la messe tous les dimanches s’il s’en sortait, ce qu’il fait depuis 70 ans. Au curé, il déclare : « Désormais, je peux pêcher, je n’irai plus en enfer, j’en reviens. » Sa première nuit, il la passera recroquevillé sur le plancher par habitude.
Parmi ceux qui sont rentrés de ce dernier train de Loos, aujourd’hui, ils ne sont plus que quelques survivants. Tant que sa santé lui permettra, Marcel Houdart répondra favorablement aux sollicitations. Le témoignage de ce héros qui ne le revendique pas, vaut plus que toutes les leçons d’histoire.
« Des Nœuxois dans la Résistance et la Déportation. Ceux du train de Loos » (7,50 €) est toujours disponible auprès de son auteur ou auprès de la mairie de Nœux-les-Mines. Les bénéfices des ventes vont au CCAS.
Une vie à témoigner
Né le 21 juin 1924 à Nœux-les-Mines, Marcel Houdart travaille comme chaudronnier soudeur aux Ateliers Centraux. À l’été 1942, le jeune homme rejoint la Résistance à l’invitation d’Alexandre Dhesse. Arrêté le 16 juin 1944, il part le 1er septembre avec le dernier train de Loos, l’ultime convoi vers les camps. Marcel Houdart arrive à Sachsenhausen le 7 septembre.
De retour à Nœux-les-Mines fin mai 1945, il devient, en 1946, dessinateur industriel.
L’ancien prisonnier entretient le devoir de mémoire auprès des collégiens et lycéens depuis près de 35 ans. Il est fait officier de la Légion d’honneur en 2007, puis chevalier des Palmes académiques en 2012.
Richard ATTAGNANT – La Voix du Nord