Allocution de Bertrand Gaume, préfet de la Corrèze :
Monsieur le maire,
Monsieur le président du conseil départemental,
Monsieur le sénateur,
Messieurs les présidents et vice-présidents du comité corrézien de la résistance, de la déportation et des martyrs,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
En ce jour, en ce dix septembre, la Corrèze se souvient. Elle se souvient qu’il y a soixante-seize ans elle s’est levée pour refuser la défaite ; refuser cet armistice que notre pays s’apprêtait à signer au mois de juin 1940 avec l’Allemagne nazie et qui était, à bien des égards, bien plus une capitulation de la démocratie face à la barbarie.
Cette capitulation, les corréziens l’ont refusée, dès le début. Ce n’est pas un hasard si c’est sur ces terres qu’Edmond Michelet, en juin 1940, a diffusé les tous premiers tracts d’appel à la résistance, au moment même où le général de Gaulle quittait le territoire national pour faire perdurer, ailleurs, une France libre et rappeler que « Quoiqu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas ».
Les terres du Limousin ont entendu cet appel. La flamme de la résistance s’est allumée en Corrèze et n’a cessé de briller. De 1940 à 1944, la Corrèze a lutté. Le prix de ses combats a été le sang de ses martyrs. Leurs noms figurent aujourd’hui sur les nombreuses plaques et stèles du département. C’est leur mémoire que nous sommes venus ici honorer.
Résistants, déportés, victimes des répressions de l’occupant, vous avez été – et, pour les survivants, vous êtes toujours - l’honneur de votre pays et je suis venu ici, devant vous, témoigner, une nouvelle fois, au nom de la République, de la reconnaissance que la France vous porte.
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Mesdames et messieurs les membres de l’association du mémorial corrézien de la résistance, de la déportation et des martyrs, le message, que vous êtes venus nous délivrer aujourd’hui, symbolise à lui seul tout le sens de cette cérémonie. Vos mots sont justes et emprunts d’émotion. Permettez-moi d’y faire écho.
Vous soulignez l’honneur que vous ressentez dans l’hommage qui est rendu en ce jour. Je dirais que la solennité de cette cérémonie, n’existe qu’à travers celles et ceux dont aujourd’hui nous honorons la mémoire. L’honneur, il réside dans les actes de bravoure des maquisards corréziens, mais aussi dans les actes de résistance quotidiens des prisonniers et des déportés pour conserver la chose la plus précieuse au monde. Le courage de ces femmes et de ses hommes plongés dans l’enfer concentrationnaire leur a permis de trouver les ressources nécessaires pour s’opposer par tous les moyens, mêmes les plus infimes, à la déshumanisation organisée par la barbarie.
Cette cérémonie est aussi un moment de transmission. Un jour venu, les derniers acteurs de cette résistance ne seront plus là pour témoigner par leur présence. Je pense en cet instant à notre ami Jean Maison qui savait si bien porter ce message de passage de la mémoire. Tant qu’il existera des femmes et des hommes réunis pour faire vivre le souvenir, le souvenir ne s’effacera pas. Mercredi dernier, j’étais avec certains d’entre vous à Tulle pour rendre hommage aux 100e et au 126e Régiment d’Infanterie, dans le cadre des cérémonies du centenaire de la guerre de 1914-1918. À cette occasion, la Flamme de la Nation a été ravivée et des enfants ont déposé des flammes de l’espoir, comme cela avait été fait ici même l’an dernier. Ces flammes du souvenir sont comme celle de la résistance qu’évoquait le général de Gaulle : qu’une seule brille et l’humanité est là, et le souvenir est là. Elle n’est donc pas prête de disparaître.
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Le sens de notre rassemblement ici ce jour n’est pas seulement de nous souvenir, mais également et, j’allais dire, surtout, de transmettre. Car la résistance est toujours une source vivante ou puiser pour nous permettre de trouver notre chemin dans le temps présent. Qu’en retenir pour aujourd’hui ?
D’abord la valeur de l’engagement. L’engagement a été la première valeur de la résistance. L’engagement, c’est l’acte par lequel on décide d’accomplir quelque chose. C’est, une promesse faite à soi-même, le témoignage de la réalité d’une conviction. C’est aussi un don de soi pour les autres. Et c’est bien cela qui est au fondement de notre démocratie. La France s’est construite sur la conviction d’un peuple et a perduré par l’engagement de tous ceux qui ont participé à la bâtir, et à la défendre. Et c’est bien sur cette valeur, sur l’engagement de chacun dans un projet collectif que notre pays a besoin pour faire face aux attaques, encore actuelles, qui tentent d’ébranler notre société.
Ensuite, la valeur du rassemblement. La résistance en limousin, et particulièrement en Corrèze, n’a eu d’égale à sa force que son unité. Certains y ont adhéré pour des convictions de foi, d’autres par raisons politiques, d’autres, enfin, sur le fondement d’idées philosophiques. Mais tous ont combattu unis. Et l’union a fait la force. Puissions-nous ne pas l’oublier : notre projet de société se construit sur un collectif qui sache accueillir et respecter les différences et l’identité de chacun. C’est bien là, le fondement de notre projet de société depuis la création de la République et, en particulier, à la suite du programme du Conseil national de la Résistance.
*Enfin, de l’exemple de nos glorieux anciens, je retiens comme valeur indispensable à notre époque, le partage, celui d’un idéal. Cet idéal tient en trois mots et en trois couleurs. Notre pays a été victime à plusieurs reprises ces derniers mois d’attaques meurtrières et barbares. Des femmes et des hommes ont perdu la vie sur le territoire national pour ce qu’ils étaient, mais aussi pour ce qu’ils représentaient : des citoyennes et des citoyens libres dans un pays libre. D’autres sont morts au combat, loin de chez eux, notamment en Afrique dans la défense du droit et de la liberté. Les combats d’hier font échos aux combats d’aujourd’hui. La France, comme l’a rappelé il y a quelques jours le Président de la République, c’est une idée, bien plus qu’une identité. Soixante-douze ans après les événements que nous commémorons ici ce jour, notre idéal partagé de liberté demande une nouvelle fois à être défendu.
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Mesdames et Messieurs,
Je le disais en introduction de ce propos, en juin 1940, Edmond Michelet diffusait en Corrèze le premier tract d’appel à la résistance. Il avait choisi pour cela l’extrait d’un ouvrage de Charles Péguy. A propos de l’Affaire Dreyfus, le même Charles Péguy avait écrit que « l’honneur d’un peuple est d’un seul tenant ». C’est dans l’unité, dans le rassemblement de la Nation qu’il nous faut demeurer comme nous le faisons ici à Vitrac aujourd’hui. Car c’est bien cette union, notre union, celui du peuple de France dans la mémoire de ses morts, toujours engagé et rassemblé autour de ses valeurs pour que vivent – pour reprendre la formule d’Eluard – « ces mots qui font vivre » : liberté, égalité fraternité.
Source : https://www.facebook.com/prefet19/ (post du 11/09)